Peinture figurative de 1960 à 2000

La tradition veut que la peinture soit « figurative » lorsqu’elle permet de reconnaître une certaine réalité.

De l’imitation la plus fidèle d’un modèle à sa déformation la plus  poussée, la figure peinte apparaît toujours comme une représentation de quelque chose. La terminologie de « peinture figurative »  s’oppose ainsi à celle de  « peinture abstraite » qui, de son côté, ne chercherait pas à représenter les objets du monde.

L’affaire n’est pourtant pas si évidente. Lorsque l’on tente de dégager les différences entre figuration et abstraction,  leurs similitudes ou leurs sujets d’inspiration respectifs, on réalise qu’il n’est pas toujours aisé de clarifier cette dualité.

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, après deux décennies au cours desquelles l’abstraction a prédominé, la peinture figurative modifie profondément son rapport au réel. Le style et l'habileté technique propres à l’histoire de l’art des siècles passés sont  mis à mal, tombent en désuétude. Parfois sans pinceau ou sans tableau, s’inspirant de la photographie,  de coupures de presse ou d’Internet,  les artistes permettent à la peinture figurative de résister face au monde contemporain, plus précisément depuis les années 1980.

Matériellement, la peinture s’est transformée et enrichie  avec l’huile toujours très présente  mais aussi le Ripolin, l’acrylique, la cire  ou encore la bombe industrielle ou le Plexiglas.

Le musée de Grenoble possède un ensemble d’œuvres figuratives de haute qualité, réalisées par des artistes reconnus internationalement.

  • Jackie

    Médium :
    Auteur : Andy WARHOL (Andrew WARHOLA, dit)
    Date : 1964
    Dimension : 50,8 x 40,6 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / Adagp, Paris
    Acquisition : Achat en 2004, avec la participation du FRAM
    Localisation : SA39 - Salle 39

    Détails

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    À partir de 1962, Warhol adopte le procédé de la sérigraphie sur toile et devient la figure majeure du Pop Art. Ses compositions sérielles se succèdent, parmi lesquelles celles consacrées aux stars de cinéma, aux désastres et aux faits de société.

    Il développe ainsi une série consacrée à Jackie Kennedy peu après l’assassinat du président américain, le 22 novembre 1963. À partir de photographies d’articles de journaux, il restitue les deux temps de l’événement : avant et après le drame. Avant, c’est l’image rayonnante de Jackie arrivant à Dallas, vêtue de son célèbre tailleur rose. Après, c’est Jackie en deuil durant la cérémonie des funérailles. C’est la Jackie souriante qui a valeur de symbole ici. Avec ce portrait, Warhol crée une forme de vanité moderne où l’on peut lire les drames à venir, par-delà la beauté et la célébrité.

  • Bedroom painting n°31

    Médium :
    Auteur : Tom WESSELMANN
    Date : 1973
    Dimension : 200,5 x 262 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie des quatre mouvements en 1974
    Localisation : SA39 - Salle 39

    Détails

    Wesselmann est, comme Warhol, l’une des figures marquantes du Pop Art américain. Il emprunte ses sujets à la vie quotidienne et aux médias.

    Bedroom Painting N° 31 met en scène une jeune femme brune, un sourire énigmatique aux lèvres, dont on voit le visage et la poitrine nue en plan rapproché. Cette beauté froide et artificielle est reproduite à des milliers d’exemplaires dans les magazines: elle est la femme-modèle, l’archétype américain. Les objets qui occupent tout le champ supérieur de la scène se chargent de sens à ses côtés: beauté, intimité, sexe... Leurs formes ont été détourées selon le principe du "shaped canvas" ou châssis découpé. Les couleurs hollywoodiennes et l'érotisme qui émane de la scène évoquent une affiche publicitaire dont la composition est toujours d’actualité.

  • Le Déjeuner sur l'herbe

    Médium :
    Auteur : Alain JACQUET
    Date : 1964
    Dimension : 175 x 196,5 x 3 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à l'artiste en 1972 par le Fonds national d'art contemporain.
    Transfert de propriété au Musée de Grenoble en 2008.

    Localisation : SA39 - Salle 39

    Détails

    À partir de 1962, Jacquet peint des tableaux dans lesquels sont mis en scène des images du quotidien issues de chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art. S’inspirant ici du Déjeuner sur l’herbe de Manet, il réalise la photographie en couleur d’un pique-nique au bord d’une piscine, composée comme le célèbre tableau. L’image a été agrandie, la trame grossie en points de couleurs avant un report sérigraphique sur toile. Cette technique sera appelée Mechanical Art ou Mec’Art. Une référence humoristique à l’artiste figure au premier plan de ce portrait bucolique sous la forme d’un paquet de pain tranché de la marque Jacquet, comme une signature. Le tableau a été tiré en 95 exemplaires, Jacquet souhaitant « faire un tableau comme une voiture produite à la chaîne », contestant ainsi la notion de chef-d’œuvre unique.

  • Life is so complex

    Médium :
    Auteur : Martial RAYSSE
    Date : 1966
    Dimension : 150,5 x 260 x 4,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Alexandre Iolas en 1968
    Localisation : SA39 - Salle 39

    Détails

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    Associé en 1960 au groupe des Nouveaux Réalistes, Martial Raysse est l'artiste français le plus proche du Pop Art américain.

    Life is so complex est une composition en Plexiglas découpé. Elle présente un visage féminin morcelé en 12 éléments (dont 4 sont répétés deux fois) comme un puzzle conçu par juxtaposition de plusieurs "tableaux". Les éléments de ce visage, qu’il est impossible de reconstituer en entier, sont des codes de reconnaissance de la femme moderne : un œil maquillé de noir, une bouche peinte en rouge, des sourcils nets, une courbe impeccable. Le support industriel, la netteté des découpes et l’intensité des couleurs en font un objet froid, proche du monde publicitaire et commercial.

  • Anita at the Victor Hotel

    Médium :
    Auteur : Robert GUINAN
    Date : 1979
    Dimension : 81,8 x 122,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Robert Guinan
    Acquisition : Achat à la Galerie Albert Loeb en 1981
    Localisation : SA39 - Salle 39

    Détails

    En 1952, Guinan peint ses premières scènes de bar d'après nature et découvre un univers d'êtres marginalisés où se côtoient proxénètes et prostituées.

    Anita est une jeune métisse que l'artiste représente étendue sur un lit, pieds joints, bras croisés derrière la nuque. Le cadrage et le regard résigné de la jeune femme placent le spectateur en situation de témoin ou de client, référence moderne à la célèbre Olympia d’Édouard Manet peinte en 1863. Le décor dépouillé, réduit aux éléments essentiels, est rendu dans des harmonies de gris, de bruns et d’ocre pâle, éclairées par la blancheur du drap et l'orangé des dessous d’Anita. Comme Edward Hopper, Guinan peint une vérité sans artifices, l'envers du "rêve américain".

  • La Belle dame violette

    Médium :
    Auteur : Gaston CHAISSAC
    Date : 1961
    Dimension : 97,5 x 47,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à Annie Chaissac en 2010, avec la participation du FRAM
    Localisation : SA41 - Salle 41

    Détails

    C’est en Vendée que Chaissac accomplit la majeure partie de son œuvre. Autodidacte, affranchi des conventions traditionnelles, il s’initie à toutes les expressions artistiques et compose une œuvre d’une grande cohérence et d’une richesse singulière.

    La Belle dame violette est particulièrement représentative de l’art de Chaissac. On y trouve à la fois sa capacité à créer des harmonies colorées originales et une virtuosité graphique qui lui permet d’inventer spontanément de nouvelles formes. Figure ambiguë, elle sourit et grimace en même temps, exprimant admirablement la poésie douce amère de l’univers de l’artiste qui mêle toujours l’étonnement joyeux d’être au monde et la mélancolie de s’en sentir exclu.

  • Sandra

    Médium : Huile sur toile
    Auteur : Alex KATZ
    Date : 1986
    Dimension : 114 x 176 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Alex Katz / Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Thaddaeus Ropac en 2001
    Centre national des arts plastiques
    Dépôt au Musée de Grenoble le 12/07/2007

    Détails

    Associé au Pop art, Alex Katz réalise des paysages, des scènes de genre et surtout des portraits dont le style tout en sobriété le distingue de ses contemporains par le caractère intemporel de ses personnages.

    Il associe ici ses deux thèmes de prédilection, le paysage et le portrait. Assise sur une chaise de jardin, se détachant sur un fond de végétation stylisée, une femme au buste nu nous fixe d’un regard froid. Comme souvent, son visage ne trahit aucune émotion, l’artiste ne s’intéressant pas à la psychologie de ses personnages ni à une quelconque intériorité. Katz saisit leur apparence, créant une sorte de distance qui les rend lointains, quasi inatteignables. Une vision du monde très Pop puisqu’elle présente la vie perçue comme à travers un écran de télévision, le monde comme dans un téléfilm.

  • Die Fragen der Sphinx

    Médium :
    Auteur : Konrad KLAPHECK
    Date : 1984
    Dimension : 121 x 114 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Maeght-Lelong en 1985 par le Fonds national d'art contemporain.
    Transfert de propriété au Musée de Grenoble en 2008.

    Détails

    Né à Düsseldorf, Klapheck a été rapproché des surréalistes et des artistes du Pop Art en raison du traitement qu'il fait subir aux objets qu'il représente. Seuls, exposés dans un espace indéterminé, des machines, des outils variés constituent sa principale source d'inspiration.

    Ce tableau reprend le modèle d'une publicité de la maison Singer. La position de cette machine à coudre et la qualité des détails lui donnent une posture d'animal, entre la mante religieuse et le mammouth. La lumière, crée une ambiance froide et figée, la touche est lisse, anonyme, en accord avec une austérité renforcée par le choix des couleurs. Klapheck donnait souvent des titres humoristique ou énigmatique à ses peintures. Il y a dans cette œuvre une connivence entre ce sphinx moderne et le mystère qui l'entoure.

  • Blooded

    Médium :
    Auteur : GILBERT & GEORGE
    Date : 1983
    Dimension : 330 x 252 x 1,2 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Gilbert & George
    Acquisition : Achat à la Galerie Vega en 1987

    Détails

    Dans les années 1970, Gilbert and George conçoivent leur existence entière comme une œuvre d’art et se déclarent "sculptures vivantes". Très vite ils choisissent la photographie pour créer un lien direct avec le public en se représentant dans toutes leurs œuvres.

    À l’instar de leurs compositions en couleurs, cette œuvre est conçue comme une sorte de vitrail. De part et d’autre d’un arbre jaune et regardant en l’air, les artistes habillés de costumes blancs sont assis dos à dos. Autour d’eux une nature bucolique au vert intense occupe l’espace, sous un ciel bleu profond que masquent des coulures de sang (Blooded). Ce danger pesant sur la beauté du monde, symbole de destruction, évoque peut-être la menace du Sida au début des années 80. Un espoir subsiste cependant grâce aux fleurs, métaphores d’une possible régénération.

  • Tortues

    Médium :
    Auteur : Gilles AILLAUD
    Date : 1975
    Dimension : 129,5 x 162 x 2,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Karl Flinker en 1978
    Localisation : SA49 - Salle 49

    Détails

    Au cours des années 60, Aillaud devient l’un des principaux représentants de la Figuration narrative. À partir de 1970, il peint des animaux - ours, hippopotames, lions, rhinocéros, éléphants… - enfermés dans des cages ou des verrières, figés derrière des grilles ou exhibés dans des fosses. L’aspect artificiel de ces dispositifs évoque avec froideur que leur nature sauvage n’est plus que le spectacle d’un spectacle.

    Dans l’un de ces enclos, un groupe de tortues évolue dans un espace sans aucun élément naturel. Les tonalités chaudes du sol et des carapaces tranchent avec les couleurs froides du carrelage et de la grille. Ces animaux dans leur cage sont comme une métaphore de l’aliénation dans notre société moderne.

  • Cinq doigts

    Médium :
    Auteur : Mario MERZ
    Date : 1983
    Dimension : 266 x 240 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à Tucci Russo Studio per l'Arte Contemporanea en 2015, avec la participation du FRAM
    Localisation : SA54 - Salle 54

    Détails

    Protagoniste majeur de l’Arte Povera, Mario Merz a réalisé des assemblages et cessé de peindre pendant plus de 10 ans. À partir de 1970 il revient à la peinture, privilégiant des toiles libres de grand format, où tracés et couleurs forment une écriture ample et spontanée. L’anatomie humaine et la figure animale sont alors ses thèmes de prédilection.

    Cinq doigts est une toile flottante qui présente une main monumentale, fait de coulures bleues et rouge sur un fond vert clair. Est-ce la main des grottes préhistoriques, le "gant retourné du chirurgien" comme l’indique le sous-titre qu’il a donné lui-même, à moins qu'il ne s'agisse tout simplement de la main de l’artiste.

    Merz, qui aime associer le corps à des figures mathématiques, a inscrit au bout de chaque doigt un chiffre du début de la suite numérique de Fibonacci.