Fleurs, fruits, vases et autres objets

Osias Beert est un peintre flamand né dans la région d’Anvers en 1580. Promu maître de la guilde de Saint-Luc, corporation de peintres, quelques années avant de mourir en 1624, il est considéré comme l’un des plus remarquables maîtres de natures mortes des Pays-Bas méridionaux du XVIIe siècle. Le contexte religieux qui prévaut alors pousse les artistes à se tourner vers une clientèle laïque et à répondre à des commandes de tableaux de chevalet. Au-delà de la simple délectation, la représentation d’un paysage ou d’une nature morte s’avérait un moyen subtil de promouvoir la réflexion sur le sens de la vie voire sur la spiritualité. Fleurs, Fruits, vase et autres objets est une composition qui obéit aux règles en usage dans la peinture d’objets du XVIIe. Sur un arrière-plan uniforme se détache un vase en porcelaine chinoise d’où émergent des tulipes qui témoignent à leur façon de la « Tulipomania » qui sévit dans les Provinces-Unies au XVIIe siècle. Symboles de l’orgueil ou du luxe, ces fleurs apparaissent dans toute leur fragilité, comme en témoigne le pétale tombé, tandis qu’à leur façon les papillons et libellules illustrent élégamment la précarité de la vie. Subtilement, la partie droite de l’œuvre réunit dans un bandeau vertical les symboles de l’Eucharistie que sont le pain et le vin dans un verre. Au-delà d’une représentation d’objets luxueux garnis de mets ou de multiples essences de plantes qui pourraient célébrer les sens, c’est donc une réflexion sur les valeurs de l’existence que l’artiste cherche à susciter. Avec son œuvre Artichaut, fruits et coupes _, la virtuosité du peintre trouve sa pleine expression dans le rendu des textures et des effets de l’artichaut coupé en son centre. En contrepoint à la stabilité des niveaux d’eau et de vin dans chacune des coupes à ailerons, l’artiste introduit une notion de déséquilibre avec un plat dépassant de la table. Ce parti-pris nous renvoie au vocabulaire des vanités qui utilisent cet artifice pour symboliser l’instabilité et la finitude de toute chose. Dans cette « vie silencieuse » (stil leven_) comme dans les trois autres du même artiste que compte la collection, l’âme est ainsi touchée par le double langage qui s’empare de la beauté du monde terrestre pour nourrir une réflexion spirituelle.