Le langage des fleurs

Quand vous offrez un bouquet, prenez-vous garde à la signification des fleurs qui le composent ? Ou bien les choisissez-vous purement pour leur beauté, leurs coloris ?

À travers les époques et les cultures, les végétaux, et plus particulièrement les fleurs, servent de symboles dans les œuvres d’art. Leur signification nous échappe parfois aujourd’hui, pourtant même la plus innocente des natures mortes peut cacher un sens secret quand on s’y intéresse de plus près.

À travers dix œuvres des collections du musée de Grenoble, de l’antiquité égyptienne à l’art contemporain, ce parcours vous propose de découvrir ou redécouvrir le langage des fleurs.

  • Cercueil de la chanteuse d'Amon-Rê Hatchepsout

    Médium :
    Auteur : Egypte, nécropole thébaine
    Date : XIe siècle av. J.-C. - Xe siècle av. J.-C.
    Dimension : 191 x 53 x 54 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Achat par la Ville de Grenoble lors de la dispersion de la collection Dubois-Aymé (Meylan), avec le concours financier du général Léon de Beylié en 1907.

    Détails

    Ce cercueil a appartenu à une dénommée Hatchepsout, ayant vécu à Thèbes en Égypte ancienne. Ne la confondez pas avec la reine du même nom, Hatchepsout est un patronyme répandu à cette époque ! Des lotus sont peints sur le front, ses seins, entre les mains croisées et, plus rare, des guirlandes de liserons stylisés ornent les jambes. Dans l’Égypte ancienne, cette plante très résistante, qui pousse en s’enroulant sur les papyrus et ouvre ses fleurs en direction du soleil, est un symbole de fertilité, de maternité mais aussi de renaissance. On la retrouve peinte aussi bien dans les scènes d’allaitement que sur le mobilier funéraire. En effet, pour les égyptiens, la mort était une seconde naissance et les différents cercueils et sarcophages autant de matrices enveloppant le défunt. Le liseron est ainsi un symbole de passage. Le lotus est quant à lui la fleur divine par excellence, symbolisant également la renaissance.

  • L'Annonciation

    Médium :
    Auteur : Francisco de ZURBARAN
    Date : 1638 - 1639
    Dimension : 266 x 184,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Don de Léon de Beylié en 1901
    Localisation : SA08 - Salle 08

    Détails

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    Dans ce tableau de grandes dimensions, qui appartient à un ensemble de quatre œuvres représentant l’enfance du Christ, on peut voir l’Annonciation de l’ange Gabriel à la Vierge Marie. Tout en excellant dans la composition de grandes œuvres, le peintre Francisco de Zurbáran dispose dans l’espace des objets très finement réalisés, véritables petites natures mortes dans le tableau. Placé au centre, entre la Vierge et l’ange, on peut voir dans un vase de verre, si translucide qu’il en disparaît presque, un bouquet de lys blanc. Mentionné à plusieurs reprises dans la Bible, le lys à partir de la Renaissance est la fleur rattachée à la figure de Marie. Il symbolise une beauté pure et céleste, ainsi que l’amour chaste. Il a également une signification religieuse plus secrète, l’abandon à la volonté divine. Il souligne ici la virginité et la beauté de Marie, mais également son acceptation de l’annonce qui lui est faite.

  • Fleurs, fruits, vases et autres objets

    Médium :
    Auteur : Osias BEERT
    Date : début XVIIe siècle
    Dimension : 52,5 x 73,3 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Saisie révolutionnaire en 1799
    Localisation : SA04 - Salle 04

    Détails

    À première vue, cette modeste table ne semble pas nous présenter un festin de roi. Mais en y regardant de plus près, les objets qui y sont disposés sont particulièrement luxueux : porcelaine chinoise, verre italien, vaisselle d’ivoire et d’argent, ainsi que deux bouquets. L’un d’eux est fait de tulipes de différentes variétés et coloris. Surnommée « la rose de Tunis », les bulbes arrivent de Turquie dès le XVIe siècle. Son nom vient d’ailleurs du turc tülbend, c’est-à-dire « plante-turban ». Un véritable engouement pour cette fleur va s’emparer des pays flamands au XVIIe siècle. Les prix flambent grâce aux spéculations boursières, jusqu’à provoquer le premier crash boursier de l’Histoire ! Cette fièvre pour la tulipe prendra le nom de « tulipomania ». Ces fleurs sont donc un symbole de luxe et de prospérité. Mais elles fanent déjà, un pétale tombé sur la table, représentation de la précarité des richesses et des vanités terrestres.

  • Animaux, fleurs et fruits

    Médium :
    Auteur : Alexandre-François DESPORTES
    Date : 1717
    Dimension : 124 x 231 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
    Acquisition : Dépôt de l'Etat en 1799
    Localisation : SA12 - Salle 12

    Détails

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    Ce tableau a été commandé par le régent Louis-Philippe d’Orléans afin de décorer le château de La Muette qu’il vient d’acheter pour sa fille, la duchesse de Berry. Peintre animalier à succès, Desportes compose ici un « désordre organisé » évoquant les plaisirs des cinq sens, à l’image du goût opulent de la Régence. La rose est la fleur symbolique la plus utilisée en Occident. Elle est la fleur de l’amour par excellence, associée à la déesse Vénus elle évoque l’attachement et la sensualité. Dans ce tableau elle symbolise probablement l’amour conjugal entre la jeune duchesse de Berry et son époux, décédé quelques années auparavant. Le saviez-vous ? Les armoiries de Grenoble sont « d’or aux trois roses de gueules », c’est-à-dire trois roses rouges sur un fond jaune. Les couleurs ont changé mais vous pouvez toujours voir ces trois roses sur le logo actuel de la ville !

  • Vase de fleurs

    Médium :
    Auteur : Simon Pietersz VERELST
    Date : XVIIe siècle
    Dimension : 58 x 45,5 cm
    Acquisition : Achat Acquis entre 1824 et 1830
    Localisation : SA05 - Salle 05

    Détails

    Le peintre a assemblé ici un bouquet impossible : les différentes fleurs qui le composent fleurissent à des périodes différentes de l’année. Si la culture en serre existe bien, c’est surtout aux ouvrages botaniques enrichis de gravures et à ses propres dessins qu’il se réfère. Ce bouquet se compose d’une tulipe, d’un pavot, d’œillets, de roses, d’anémones et de boules de neige. Ce tableau est une vanité : les fleurs ploient, évoquant la fragilité et la brièveté de la vie et de la beauté. Le pavot, avec ses propriétés somnifères bien connues depuis l’antiquité, est associé au sommeil éternel. L’œillet, importé de Tunisie, est un symbole de la Passion du Christ. L’anémone enfin, dont le nom vient du grec anémos, le vent, est un symbole funèbre invoquant la précarité et la brièveté de la vie. Le choix de ces fleurs n’est pas innocent de la part du peintre, grand spécialiste de ce type de natures mortes évocatrices et auto-proclamé « le Dieu des fleurs ».

  • Portrait de jeune femme, dite Jeanne-Elisabeth de Beauharnais

    Médium :
    Auteur : Nicolas de LARGILLIÈRE
    Date : 1711
    Dimension : 116 x 102 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Don de M. Barral ou achat par Jay à Paris en 1799
    Localisation : SA11 - Salle 11

    Détails

    Ce portrait de jeune femme, que l’on suppose être Elisabeth de Beauharnais, a probablement été commandé à l’occasion de son mariage. Somptueusement vêtue de velours rouge et de brocart, la jeune femme tient entre ses doigts les fleurs d’un oranger en pot. Ils étaient cultivés avec fierté par l’élite dans des orangeries, car ces arbustes délicats requièrent des conditions bien particulières pour donner des fruits. La fleur d’oranger, blanche et parfumée, est à la fois un symbole de pureté et de fertilité. En effet, elle se transforme en un fruit rond et charnu, comme le ventre d’une femme enceinte. Elle est donc utilisée pendant des siècles comme un ornement des jeunes mariées : la couronne de fleur d’oranger porte chance au couple. Attention cependant à ne jamais la poser sur la tête d’une célibataire, ce qui risque de la vouer au malheur en amour !

  • Bibiana (Ne m'oubliez pas)

    Médium :
    Auteur : Ernest Antoine Auguste HÉBERT
    Date : 1891
    Dimension : 97 x 67 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Don de Mme Hébert en 1908
    Localisation : SA20 - Salle 20

    Détails

    En regardant attentivement la main du modèle d’Ernest Hébert, vous verrez qu’elle tient un myosotis. En français, le nom de cette fleur vient d’une combinaison des mots grecs « mus » et « otis », et signifie oreille de souris, ce qui renvoie à la forme de ses feuilles. Mais dans quasiment toutes les autres langues, le nom de la fleur se traduit par « ne m’oubliez pas ». Selon une légende, un chevalier se promenant avec sa dame aperçoit cette fleur poussant au bord d’une rivière et, se penchant pour la cueillir, tombe à l’eau et n’a que le temps de s’écrier « Ne m’oubliez pas ! » avant de se noyer. Le myosotis est donc un fort symbole du souvenir, il est synonyme de fidélité et d’amour éternel. Peut-être s’agit-il là d’exprimer l’attachement du peintre à l’Italie, qu’il s’apprête à quitter et qu’incarne Bibiana. Un autre nom du myosotis est « le désespoir des peintres », étant réputé comme particulièrement difficile à représenter !

  • Nature morte dite "de fiançailles"

    Médium :
    Auteur : Henri FANTIN-LATOUR
    Date : 1869
    Dimension : 32,8 x 30,4 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Legs de Victoria Fantin-Latour née Victoria Dubourg en 1921, entré au musée en 1926
    Localisation : SA22 - Salle 22

    Détails

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    Henri Fantin-Latour offre cette nature morte à Victoria Dubourg à l’occasion de leurs fiançailles en 1869. Le couple s’est rencontré trois années auparavant au Louvre. Ce petit tableau démontre le talent de Fantin-Latour pour la peinture de fleurs et pour l’équilibre de ses compositions. Le regard est comme guidé, du camélia d’une blancheur virginale posé sur la table au compotier garni de fraises, puis au verre de vin pour enfin arriver au bouquet de fleurs de printemps. Jonquilles et jacinthes, peintes comme à son habitude sans dessin préalable, expriment le sentiment amoureux et la promesse qui le lie à Victoria. Les fraises symbolisent la sensualité, le vin l’ivresse. Quant au camélia, cette fleur connaît un engouement très fort au XIXe siècle, ornant corsages et boutonnières. On dit même que la célèbre courtisane Marie Duplessis portait un camélia blanc vingt-cinq jours dans le mois, et rouge les cinq autres jours…

  • Coin de l'étang à Giverny

    Médium :
    Auteur : Claude MONET
    Date : 1917
    Dimension : 117 x 83 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Don de l'artiste en 1923

    Détails

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    Quand Claude Monet réalise cette toile représentant une partie de son jardin d’eau, il est atteint de cataracte. On reconnaît toutefois le coin de l’étang, entouré de végétation luxuriante, ainsi que les larges feuilles des célèbres nymphéas flottant à sa surface. Monet les choisit pour orner l’étang qu’il a créé dans son jardin de Giverny en détournant un petit cours d’eau de sa commune. Lors de l’exposition universelle de 1889, de nouvelles variétés hybrides de nénuphars sont exposées. C’est là que le peintre a le coup de foudre, et décide d’aménager son jardin d’eau. Il choisit ces fleurs pour leur beauté, et pour pouvoir les peindre flottant à la surface de l’eau dont il aime représenter les reflets et les jeux de lumière. Un jardinier était chargé de leur entretien à temps plein ! Dans l’Égypte ancienne, le nénuphar est considéré comme la plus belle des fleurs, symbole de la naissance du monde à partir de l’humide.

  • Bedroom painting n°31

    Médium :
    Auteur : Tom WESSELMANN
    Date : 1973
    Dimension : 200,5 x 262 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie des quatre mouvements en 1974
    Localisation : SA39 - Salle 39

    Détails

    Figure majeure du Pop Art américain, Tom Wesselmann réalise une série de grandes peintures, les Bedroom Paintings, dont les dimensions et la composition viennent de l’imagerie publicitaire. Le bouquet de fleurs dans cette œuvre, composé d’une jonquille, d’un liseron et d’une rose, est peint avec la même stylisation schématique que le nu féminin, le flacon de parfum ou la boîte de mouchoirs roses. Symbole érotique, ces fleurs évoquent l’intimité, la féminité, jusque dans la forme de leurs corolles, tout en nous donnant le même sentiment artificiel que le reste du tableau. Wesselmann joue sur les techniques d’érotisation des publicités, les fleurs étant ici une évocation sexuelle supplémentaire. Regardez bien la rose : la forme dessinée par les bordures intérieures de ses pétales ne vous évoque-t-elle pas quelque chose ?...

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