La Fenêtre
Pionnier de l’abstraction, Robert Delaunay participe au vaste mouvement européen qui, à la veille de la Première Guerre mondiale, vient révolutionner la représentation. Issu d’une famille bourgeoise parisienne, l’artiste se forme dans l’atelier d’un décorateur de théâtre qui le sensibilise aux recherches matérielles et spatiales sur la couleur. Admirateur de Monet et marqué par la grande rétrospective de Cézanne en 1907, il connaît une première période cubiste – les Tours Eiffel, les Villes, les Cathédrales de Laon – dont il s’affranchit pour se consacrer à la seule étude de la couleur. Lecteur des traités scientifiques de Ogden Rood et de Michel-Eugène Chevreul, il engage avec son épouse Sonia un travail de laboratoire centré sur les manifestations de la lumière que Guillaume Apollinaire baptisera du nom de «cubisme orphique». En regard de l’abstraction plus essentialiste de Malévitch et Mondrian, Delaunay inaugure une aventure avant tout optique tournée vers le caractère visuel et autonome de la peinture. Alors qu’il se rapproche de Klee et de Kandinsky et devient un modèle pour les peintres expressionnistes du Blaue Reiter, Delaunay réalise la célèbre série des Fenêtres. Peintes entre 1912 et 1913, ces dernières marquent son entrée dans le domaine de la peinture pure. L’embrasure de la fenêtre se superposant au cadre du tableau, la surface picturale se résume à une multitude de facettes colorées, véritable kaléidoscope. Animé par « l’idée d’une peinture qui ne tiendrait techniquement que de la couleur, des contrastes de couleur », Delaunay lui donne le pouvoir d’architecturer la composition. Jouant de la contiguïté de certaines teintes et de la complémentarité des autres, il anime la surface du tableau de subtils mouvements vibratoires. La sensation de rythme naît de la simple juxtaposition ou compénétration de couleurs mais également des touches en frottis et des transparences. Abandonnant l’usage du dessin, Delaunay conserve toutefois l’ébauche d’une tour Eiffel, motif cher à son œuvre, dernier détail objectif et icône de la modernité. L’année même de leur création, les Fenêtres sont exposées au Kunsthaus de Zurich ainsi qu’à Paris et sont chantées par Apollinaire dans le poème du même nom : « […] La fenêtre s’ouvre comme une orange / Le beau fruit de la lumière […]. » Emblème de l’abstraction, les Fenêtres mettent en lumière une réalité nouvelle, celle de la vision moderne.
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