Etudes de figures

Francesco DEL ROSSI dit Francesco SALVIATI
XVIe siècle
Pointe de métal, pierre noire, rehauts de craie blanche, trait d'encadrement à la pierre noire sur papier préparé gris doublé
21,7 x 32 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3544, n°1371).

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Présenté et étudié pour la première fois lors de l’exposition dédiée à Francesco Salviati (Rome, Paris, 1998), le dessin a suscité des réactions contrastées de la part des commentateurs. Certains (Wolk Simon, op. cit.), s’étonnant du caractère archaïque de l’emploi de la pointe de métal sur un papier préparé, refusèrent l’attribution à Salviati. En revanche, D. McTavish (2000, op. cit.) affirma que Salviati était bien l’auteur des deux dessins réalisés dans cette technique ancienne, exposés en 1998 : celui de Grenoble, et l’Académie d’homme assis du Louvre [1] (inv. 10913) : « They further confirm Salviati’s imaginative attitude forward drawing and sureness of his hand. In the background of the seated male nude (n. &-), the successively wider and softer parallel lines of metalpoint would seemto show the artist testing the limits of the medium itself. » En réalité, l’analyse au microscope binoculaire montrait que le dessinateur avait également eu recours à la pierre noire, adjointe à la pointe de métal [2]. À l’épreuve de cette technique qui ne permet pas les hésitations, Salviati démontre une rare maîtrise de la ligne de contour, qui, par son acuité, renvoie aux dessins de Bronzino.
Une meilleure lecture, après la restauration récente du dessin, de l’inscription dans le bas de la feuille : « Francesco Salviati », renforce notre conviction qu’il s’agit bien d’un exceptionnel dessin de l’un des plus grands dessinateurs maniéristes italiens. Le rapprochement proposé lors de l’exposition de 1998 avec les inventions de Salviati, principalement celle de la tapisserie de la Déploration du Christ (Florence, Galleria degli Uffizi), reste valable. Cette tapisserie, tissée à Florence par Nicolas Karcher (Bruxelles ? actif à Ferrare en 1517 – Mantoue, 1562) et son atelier, fut livrée au duc Cosimo I de’Medici le 31 juillet 1546. Cette composition avait déjà servi, mais avec un développement beaucoup plus ambitieux, dans la grande pala peinte par Salviati, au cours de l’année 1540, à Venise, pour l’église du Corpus Domini, aujourd’hui conservée à la Pinacoteca di Brera, à Milan. Salviati la reprit à nouveau à Florence, vers 1543-1548, dans une autre Déploration du Christ (Florence, Galleria Palatina), de format réduit. L’étude de tête féminine tournée vers la gauche se retrouve avec des variantes dans ces œuvres. Détail révélateur de la méthode de l’artiste, basée sur le dessin, le profil incliné, dans l’angle supérieur gauche, pourrait avoir servi pour le visage de l’ange penché vers l’Enfant Jésus dans la Madone au perroquet (Madrid, Prado), peinte à Florence. Ayant quitté Florence en 1548 pour poursuivre sa carrière à Rome, Salviati conserva le souvenir du jeune homme de profil, courbé, comme lové sur lui-même, motif principal de la feuille d’études de Grenoble, qu’il réintroduit à nouveau, et de manière peut-être plus explicite encore, dans la Déposition, placée sur l’autel de la chapelle de la Pietà, à Santa Maria dell’Anima (mai 1548-août 1550)7.


[1] Pointe de métal, pierre noire, rehauts de blanc, sur papier préparé gris. 36,4 x 22,7 cm.
[2] Curieusement, D. Jaffé, dans son compte-rendu du Burlington Magazine (1998, p. 346, note 3), tout en admettant implicitement l’attribution à Salviati du dessin de Grenoble, considère que celle du dessin Louvre (inv. 10913) est « less than certain ». À notre avis, les deux dessins sont inséparables : si l’on admet l’un comme étant de Salviati, force est aussi d’accepter l’autre, comme le fait D. McTavish. C’est aussi l’opinion de L.Walk Simon, mais cet auteur refuse de les attribuer à Salviati : « no. 116 [Grenoble] executed in a similar, self-consciously archaic metal point technique to no. 16 [Louvre] and possibly by the same hand but not, in my view, by Salviati ».

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