Composition abstraite

Après une enfance et une jeunesse studieuse à Strasbourg, Marcelle Cahn fait un séjour à Berlin pendant la Première Guerre mondiale et découvre avec intérêt les peintres expressionnistes à la galerie Der Sturm. À partir de 1920, elle voyage entre Zurich, Strasbourg et Paris, où elle s’installe en 1925. Elle fréquente alors l’Académie moderne, rencontre Amédée Ozenfant et Fernand Léger et devient leur élève. Ses thèmes privilégiés, nus, paysages et natures mortes, sont présentés dans des compositions organisées selon le principe de la grille cubiste, où se décèle également l’influence du purisme. L’artiste choisit les couleurs de sa palette dans une gamme rompue, sensible, d’où émerge rarement une tonalité forte. La rigueur et l’esprit de synthèse qui caractérisent son art vont la conduire à l’abstraction vers la fin des années 20. L’œuvre de Cahn est peu connue en raison du caractère solitaire de l’artiste et de son retrait volontaire de la scène artistique entre le début des années 1930 et 1947. À partir des années 50, elle n’a cessé d’expérimenter, créant des dessins, des collages et des tableaux-reliefs jusqu’à sa mort en 1981. Le Lavabo, peint en 1925, est un sujet moderne par excellence. Chaque élément qui le compose est parfaitement identifiable malgré l’extrême schématisation. L’évier, la cuvette, le robinet, le jet d’eau, la tuyauterie sont peints en aplats, disposés dans un espace sans profondeur comportant un panneau de porte sur la gauche et une probable fenêtre dans l’angle supérieur droit. La composition est fondée sur l’horizontale et la verticale, à l’exception de la courte oblique du tuyau d’évacuation. Comparées au jaune vif, le bleu-vert et le rouge-orangé sont des couleurs primaires altérées auxquelles a été ajoutée la tonalité beige-rosé du panneau mural. Avec le noir, le blanc et le grisé qui donne une illusion de volume, ces couleurs sont très proches de celles du _Remorqueur _ de Fernand Léger. De ce dernier subsiste également l’esprit de modernité dans l’organisation formelle d’une esthétique de la machine qui mêle figuration et abstraction.