L'Ecluse de la Rigole à Saint-Privé

Ami et élève de Jean Achard dont il intègre l’atelier à Paris en 1846, Henri Joseph Harpignies découvre à son côté le travail sur le motif. Fasciné par les paysagistes hollandais du XVIIe siècle, dont il apprécie le traitement des ciels immenses et des vastes étendues baignées de lumière, l’artiste est aussi très influencé par Corot, qu’il rencontre en 1854. Dès lors, il travaille aux côtés des peintres de Barbizon dans la forêt de Fontainebleau. Exposant régulièrement au Salon des peintures et des aquarelles qui assureront sa renommée, il choisit vers 1880 de se retirer dans sa propriété de la Trémellerie à Saint-Privé (Yonne). Il ne cesse d’explorer la région et d’en faire le portrait, comme c’est le cas ici dans L’Écluse de la Rigole à Saint-Privé, datée de 1885. Le site choisi par l’artiste est situé non loin de sa maison. On y voit un ruisseau serpentant entre des berges herbues et moussues, dont le cours est interrompu par une petite écluse de pierre et de bois. Un bosquet d’arbres à droite cadre la scène, créant dans cet espace ouvert une verticale rassurante sur laquelle l’œil du spectateur peut s’appuyer. Deux petites silhouettes sur le chemin donnent l’échelle du paysage. La lumière de la pleine journée fait scintiller les gouttes d’eau et accentue les contours des arbres et des touffes d’herbe. La clarté du ciel, rompue par la course de quelques nuages cotonneux, et l’ombre fraîche qui se glisse entre les zones brutalement éclairées de la prairie, donnent à ce coin de nature une étonnante réalité. La touche vive et rapide, déjà impressionniste, tente de rendre le subtil mouvement des herbes et des feuillages, mais aussi la course rapide de l’eau roulant sur les galets de son lit. Acheté en 1890 à la fille de Jean Achard par la Société des Amis des arts de Grenoble, ce tableau a été offert à la Ville la même année.