Etude pour les figures d'Achille et d'Agamemnon

Giovanni-Battista GAULLI dit IL BACICCIO
XVIIe siècle
Plume et encre brune, lavis d'encre grise, sur un tracé à la pierre noire, trait d'encadrement rapporté à la pierre noire sur papier vergé crème doublé
28,5 x 39,6 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins devant être exposés sur des cadres tournant autour d'un pivot, n°156).

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Ce dessin appartient à un dossier génétique riche de treize études (toutes conservées au Kunstmuseum de Düsseldorf) préparant une gravure et par la suite un tableau de Gaulli. Gravure et tableau représentent un épisode du chant I de L’Iliade d’Homère : la dispute entre Achille et Agamemnon. Les deux héros grecs sont sur le point de se battre. Agamemnon a dégainé son épée; il s’apprête à s’élancer vers Achille, lorsque Minerve apparaît dans le ciel pour mettre un terme au conflit. Seul Achille voit la déesse qui l’enjoint à remettre son épée dans son fourreau. Elle lui désigne l’objet de leur venue, la ville de Troie, qui après neuf années de siège, résiste encore. Par ce geste, la déesse appelle le héros à se réconcilier avec Agamemnon pour reprendre le seul combat digne d’intérêt.
La composition gravée orne un frontispice de thèse portant une dédicace au pape Innocent XII Pignatelli dont le portrait figure en médaillon au-dessus du cartouche. Le lauréat en est Camillo Gerolamo Pamphilj. Elle a été réalisée par Robert van Audenaerde d’après une invention de Gaulli et est datée de 1693. Le tableau aujourd’hui conservé au Musée départemental de l’Oise à Beauvais a été peint par Gaulli peu après le tirage de la gravure, vraisemblablement pour le même commanditaire, peut-être à destination d’Innocent XII. En raison de l’antériorité de la gravure, il est à penser que l’ensemble des dessins (à l’exception d’un seul en rapport avec un élément n’apparaissant pas dans la gravure[1]) prépare l’invention gravée. Une différence entre la gravure et le tableau est à noter : Gaulli ne reprend pas dans la peinture le procédé de l’insertion de l’historia sur une tapisserie feinte. Il est vrai que tout l’appareil iconologique et symbolique encadrant la composition et supportant en partie la tapisserie est uniquement propre au genre du frontispice de thèse. Il n’était donc pas nécessaire de réutiliser ce procédé. Le dessin de Grenoble est préparatoire aux deux figures principales de l’histoire. À dextre, Achille, la tête tournée vers le ciel : il vient de voir Minerve. À senestre, Agamemnon, tenant un bâton faisant office de lance, la tête également tournée vers le ciel. Les deux personnages sont dessinés sur un sol fictif, feint par les ombres portées de leurs jambes respectives. Cette étude appartient à un stade intermédiaire dans le processus de mise en place des idées. En effet, dans les œuvres finales, la disposition des deux figures est légèrement différente. Cela concerne surtout celle de gauche dont la tête n’est plus tournée vers Minerve mais vers Achille ; la gestuelle est également modifiée : le bras gauche, notamment, est vu en raccourci de face. Un dessin d’ensemble entérine provisoirement cette disposition[2]. Gaulli l’a même insérée dans un cadre architecturé feignant le frontispice. Il succède à un autre dessin d’ensemble qui montrait une tout autre ordonnance puisque Minerve apparaissait sur la droite et non au centre, comme c’est le cas dans la gravure[3]. Il est à se demander pourquoi Gaulli n’a pas repris l’attitude d’Agamemnon. L’explication est, semble-t-il, simple : montrer le roi grec la tête tournée vers Minerve confine à l’invraisemblance diégétique. Homère précise bien que seul Achille put voir la déesse (avec Nestor que l’on voit au centre de l’invention finale). À la relecture d’Homère ou mieux, lorsque Gaulli montra l’ordonnance à une tierce personne (l’impétrant et commanditaire très certainement), cette proposition de disposition ne pouvait être conservée. D’où les modifications qui s’ensuivirent, telles qu’elles ont dû apparaître dans un ultime dessin d’ensemble précédant la gravure. Mais celui-ci n’est plus connu.


[1] Conservé à Düsseldorf, Kunstmuseum, inv.KA (FP) 10327.
[2] Conservé à Düsseldorf, Kunstmuseum, inv.KA (FP) 1922 recto.
[3] Düsseldorf, Kunstmuseum, inv. KA (FP) 10869.

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