Fraise, corset et manches bouffantes

Les collections du musée ne permettent pas de faire une histoire complète du costume. Mais, dans un monde d’images muettes, le vêtement fait partie de ces détails qui disent beaucoup.

Il montre le statut social de celui qui le porte. Il crée une image austère, plaisante ou pittoresque. Il est un défi pour le peintre qui doit suggérer son mouvement, sa douceur ou sa lourdeur. Apparemment anecdotique, il montre la collection autrement.

  • La Mise au tombeau

    Médium :
    Auteur : École française (attribué à)
    Date : XVIe siècle
    Dimension : 96 x 88 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Acquisition Déposé par l'Administration des domaines en 1907
    Localisation : SA04 - Salle 04

    Détails

    On sait peu de choses de ce panneau de triptyque qui ornait à l’origine une chapelle du couvent des Minimes de Saint-Martin-d’Hères. Même si son nom est aujourd’hui perdu, les vêtements de la donatrice en prière, à droite, nous indiquent toujours son rang : c’est une noble qui suit les modes « à la française » de la cour de François Ier. La jupe rouge est large et évasée, plus longue à l’arrière. On porte par dessus la « robe » proprement dite, fermée sur le devant, avec ses larges manches de fourrure. Caprice de la mode, la chemise de dessous apparaît à travers des fentes coupées dans la seconde manche : on parle de manche à crevés. Quant au noir, s’il peut sembler austère, il est très apprécié : il se diffuse à travers l’Europe depuis l’Espagne et domine les gardes robes tout au long du XVIe siècle.

  • Portrait de Jean Pietersz van den Eeckhout, père de l'artiste

    Médium :
    Auteur : Gerbrand VAN DEN EECKHOUT
    Date : 1644
    Dimension : 76 x 57,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Achat par la Ville à M.Henry en 1825
    Localisation : SA06 - Salle 06

    Détails

    Gerbrand van der Eeckhout fait ici le portrait de son père, maître orfèvre à Amsterdam. Le riche rideau aux reflets dorés, les gants, l’habit noir conforme à la rigueur calviniste : tout vient souligner la réussite du personnage. Mais c’est surtout la fraise à plusieurs rangs qui frappe le regard. Pourtant, au moment où est peint le tableau, en 1644, un tel accessoire, appelé « fraise à la confusion », est déjà démodé depuis une vingtaine d’année. Peut-être que Jan Pietersz, vénérable bourgeois de soixante ans, ne se souciait plus de ces questions. Ou peut-être le peintre a-t-il vu là l’occasion de rivaliser avec certaines toiles de son maître, Rembrandt. Les plis de tissus qui vibrent sous la lumière sont rendus en nuances de blanc et de gris, illustrant ainsi la maîtrise de son art.

  • Louis XIV, au lendemain de son sacre, reçoit le serment de son frère Monsieur, duc d'Anjou, comme chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit à Reims, le 8 juin 1654

    Médium :
    Auteur : Philippe de CHAMPAIGNE
    Date : 1665
    Dimension : 290 x 400 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Dépôt de l'Etat en 1811
    Localisation : SA08 - Salle 08

    Détails

    Philippe de Champaigne donne l’image d’une cérémonie où le costume prend toute sa valeur symbolique. Le frère de Louis XIV, duc d’Anjou, fait son entrée dans l’ordre de chevalerie du Saint-Esprit. Agenouillé, il porte encore le vêtement en drap d’argent et la courte cape du novice. Autour de lui, les membres de l’ordre sont reconnaissables au grand manteau en velours de soie noir, doublé de satin orange et brodé, entre autres, de flammes qui symbolisent l’Esprit Saint. Les hauts-de-chausse courts et bouffant, les fraises, le bonnet à aigrette porté par le roi sont anachroniques. Ils n’ont pas changé depuis la création de l’Ordre au XVIe siècle, sous Henri III. Un seul accessoire permet de faire entorse au protocole : les chaussures. Les talons et semelles rouges sont typiques de la mode masculine à la cour du Roi-Soleil.

  • La Visite à l'imprimerie

    Médium :
    Auteur : Léonard DEFRANCE
    Date : XVIIIe siècle
    Dimension : 47 x 64,5 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
    Acquisition : Achat avec la participation du FRAM en 2009
    Localisation : SA11 - Salle 11

    Détails

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    Au milieu d’un atelier d’imprimeur, la tache claire d’une robe attire notre regard. La silhouette est celle d’une riche élégante, portant un modèle dit « à la polonaise », avec une jupe relevée à l’arrière grâce à deux cordons. Il se popularise à la seconde moitié du XVIIIe siècle. Pourtant, il ne semble pas à sa place dans l’univers brun, travailleur et essentiellement masculin de l’atelier. Léonard Defrance, artiste engagé, proche des idées des Lumières, représente la rencontre entre deux soutiens des intellectuels : l’élite qui les accueille dans ses salons et finance leurs ouvrages et les ouvriers qui impriment leurs livres. Mais le peintre renverse les rapports de force : ce sont les seconds qui sont maîtres des lieux. La composition en frise vient annuler la hiérarchie sous-entendue par l’habit.

  • L'Entrée du Grand Canal, avec Santa Maria della Salute et le canal de la Giudecca, vue de l'extrémité occidentale du Môle

    Médium :
    Auteur : CANALETTO (Giovanni Antonio CANAL, dit)
    Date : vers 1726 - 1728
    Dimension : 194 x 204 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
    Acquisition : Achat à M. Charles Auguste George en 1842
    Localisation : SA14 - Salle 14

    Détails

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    Il peut paraître surprenant de parler de costume face à un paysage. Pourtant, Canaletto, d’abord décorateur de théâtre auprès de son père, sait animer par quelques détails de vêtements ses vues de Venise. Au premier plan on voit l’enclos de quarantaine pour les capitaines de navires étrangers. On devine des marchands turcs à leurs turbans, des grecs à leurs bonnets tombants, un Européen en manteau noir. Encore au XVIIIe, Venise est une ville cosmopolite, point de contact entre l’ouest et l’est de la Méditerranée. Mais c’est aussi une cité pittoresque, à l’image des gondoliers aux bonnets rouges ou de la femme portant la zendale, voile blanc typique des Vénitiennes. Telle est l’image qu’en gardaient les clients anglais de Canaletto, qui devaient apprécier les touches colorées de ces vêtements curieux.

  • Portrait d'un artiste

    Médium :
    Auteur : Ary SCHEFFER
    Date : 1830
    Dimension : 118 x 90 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Don de Léon de Beylié en 1901
    Localisation : SA16 - Salle 16

    Détails

    Avant la Révolution, les portraits d’artistes laissaient peu de place aux tenues de travail. S’ils pouvaient être représentés avec leurs outils à la main, ils suivaient les codes vestimentaires de la bourgeoisie, et cherchaient à se démarquer du monde manuel de l’artisanat. Mais avec le XIXe et la période romantique, la figure de l’artiste gagne une aura nouvelle : il devient un génie créateur, sortant de l’ordinaire, parfois bohème. C’est à cette époque que naît la l’image de l’artiste aux modes extravagantes. Par conséquent, le peintre décrit par Ary Scheffer dans cet impressionnant portrait peut porter fièrement son foulard et sa blouse. La couleur rouge en fait presque un vêtement de représentation et souligne la pose assurée du modèle, copiée des portraits d’apparat

  • Portrait d'André Baréty, de sa nièce et de son petit neveu

    Médium :
    Auteur : Pierre COGELL
    Date : vers 1780 - 1785
    Dimension : 113,5 x 93,5 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
    Acquisition : Legs de Mme de Chichilianne en 1881
    Localisation : SA11 - Salle 11

    Détails

    Pierre Cogell fut l’un des principaux portraitistes de la bourgeoisie lyonnaise. Dans cette scène familiale à l’intimité trompeuse, le vêtement souligne la posture sociale et suit la mode parisienne : l’homme est habillé « à la française » avec veste et gilet brodés, la femme a une coiffure montante à poufs, popularisée par Marie-Antoinette. Mais, la vraie nouveauté concerne l’enfant. Il porte un habit dit « à la matelote » qui apparaît dans les années 1770. Il comprend une chemise, une veste à boutons, une large ceinture et surtout un pantalon qui permet des mouvements plus libres. Auparavant, les jeunes garçons étaient vêtus comme des adultes miniatures. La famille montre qu’elle a adopté les nouveaux principes d’éducation qui se diffusent à la fin du XVIIIe et font de l’enfant un membre à part entière du foyer.

  • La Halte dans un bois

    Médium :
    Auteur : Jean-Victor SCHNETZ
    Date : XIXe siècle
    Dimension : 98 x 74 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
    Acquisition : Achat en 1991
    Localisation : SA16 - Salle 16

    Détails

    Elève de David, Jean-Victor Schnetz découvre l’Italie en 1817. Il se spécialise alors dans la scène italienne, souvent peuplées de paysannes aux robes et aux tabliers colorés et reconnaissables à leur fichu replié en carré sur le haut de la tête. Au cours du XIXe siècle le goût pour la scène de genre pittoresque se développe. La clientèle bourgeoise aime les évocations précises des costumes d’Italie, d’Espagne ou du Maghreb. Mais, l’illusion de vérité du costume cache une recomposition idéale dans l’atelier du peintre, à Rome ou même à Paris où une communauté de modèles italiens proposent ses services — et ses vêtements — aux artistes. Ainsi, si la pantoufle rouge qui orne le pied de la jeune fille plaît à l’œil, elle paraît peu adaptée à la journée de marche en forêt censée être représentée ici.

  • Portrait de Louise Riesener

    Médium : Huile sur toile
    Auteur : Henri FANTIN-LATOUR
    Date : 1880
    Dimension : 100 x 80 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
    Acquisition : Legs de Mme Eschollier aux musées nationaux en 1969 pour être déposé à Grenoble.
    Dépôt du Musée du Louvre en 1973.

    Localisation : SA22 - Salle 22

    Détails

    Fantin-Latour fait le portrait de Louise Riesener, fille d’un de ses amis, Léon Riesener, mort deux ans plus tôt. Peintre elle-même, il l’accueille dans son atelier. C’est pourtant la fille de bonne famille qu’il représente ici, contrainte par sa robe qui suit la silhouette féminine de la fin du XIXe siècle. Le trait le plus marquant est sans doute le corset très étroit à la taille. La jupe s’est resserrée par rapport aux décennies précédentes, sauf peut-être à l’arrière (les élégantes ont adopté les « faux-cul »). Le noir accentue l’austérité de la toile, rappelant le deuil du père de Louise. D’un point de vue artistique, le vêtement, faussement monochrome, est aussi l’occasion pour Fantin de jouer avec une palette restreinte, suggérant les détails du vêtement grâce aux nuances de noir.

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  • Fraise, corset et manches bouffantes

    Les collections du musée ne permettent pas de faire une histoire complète du costume. Mais, dans un monde d’images muettes, le vêtement fait partie de ces détails qui disent beaucoup.

  • Belles de nuit

    Elle est appréhendée dans ses dimensions sociales et culturelles à travers la sculpture et la peinture, du XVIIe siècle à l’art contemporain.