Nabis-bis

François DUFRÈNE
1960
146 x 114 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à l'artiste en 1972 par le Fonds national d'art contemporain.
Transfert de propriété au Musée de Grenoble en 2008.

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Né en 1930 d’un père « peintre, Figuratif, Postimpressionniste » ainsi qu’il aime le rappeler avec humour, François Dufrêne commence sa carrière comme poète en adhérant, de 1946 à 1953, au mouvement lettriste d’Isidore Isou. À l’image de celle du dadaïste de Hanovre, Kurt Schwitters, dont il admire le célèbre poème, l’Ursonate, l’œuvre de François Dufrêne se situe d’emblée à la confluence des arts plastiques et de la poésie. En véritable archéologue des mots et des images, il se passionne pour l’envers des choses. Après s’être adonné aux Crirythmes – improvisations enregistrées à l’aide d’un magnétophone, qui doivent beaucoup au poète Antonin Artaud –, Dufrêne fait en 1954 la rencontre déterminante de ses futurs compagnons « affichistes », Raymond Hains et Jacques Villeglé. C’est Hains qui lui fait découvrir en 1957 les entrepôts Bompaire, où il réalisera son premier « dessous » d’affiche, la Golonne fantôme. Signataire du manifeste du Nouveau réalisme en 1960, Dufrêne en devient l’un des principaux membres et systématise sa pratique du revers ou de l’estampage d’affiche. Mais à la différence de ses compagnons qui s’approprient les « tableaux tout faits » que forment, dans la rue, les affiches lacérées par les passants, Dufrêne, patiemment, gratte, couche après couche, ses dos d’affiche pour mettre au jour des images sous-jacentes. Jouant comme s’il s’agissait de strates géologiques avec les feuilles de papier, il explore les transparences de couleurs générées par la colle comme la surimposition des empreintes de nombreuses images. Alors que l’Abstraction lyrique règne en maître dans les années 50, Dufrêne conserve, dans sa pratique du décollage, un lien indéfectible à la peinture. Nabis-bis, claire référence au mouvement artistique né à la fin XIXe siècle, illustre avec humour le « côté Vuillard ou Bonnard » que lui prêtait Pierre Restany. Ici, les aplats de couleurs comme les traces de colle évoquent l’agencement décoratif des œuvres des Nabis et font écho à d’autres dessous d’affiches aux titres suggestifs : Jappe-Jap (1958), Bonnarderie (1960) ou Le Mont Hokusaï. Dufrêne cherche le pictural sous les couches de papier. Il est certes en quête, comme ses congénères, de l’« inconscient collectif » révélé par l’affichage urbain, mais le raffinement de ses productions dit clairement qu’il s’intéresse moins à l’actualité de la rue qu’à la beauté intrinsèque de ses affiches palimpsestes.

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