Chemin en forêt avec voyageur

Depuis les Biografische Aanteekeningen d’Adrianus
Dirk de Vries, publiées en 1885 et 1886
dans Oud Holland, nous connaissons deux
peintres presque contemporains qui portent
le nom de Johannes Collaert/Colaert. Tous les
deux sont documentés à Amsterdam dans les
années 1640. Un premier artiste, né vers 1622
à Amsterdam, voyage à Rome vers 1646 et se
marie dans sa ville natale le 13 février 1647 à
une certaine Nelletjen van der Clay. Celui-ci,
que l’on peut mettre en rapport avec le peintre
d’architecture Emmanuel de Witte, vit encore
à Amsterdam en 1678. Un second artiste du
même nom, né à Heusden vers 1625, se marie
lui aussi à Amsterdam le 2 janvier 1649. Il
habite plus tard à Utrecht. Les confusions
entre ces deux artistes sont innombrables et
le mérite revient à Peter Schatborn d’avoir
établi une claire distinction entre les deux et
départagé leurs oeuvres[1]. L’un est paysagiste et
signe « Collaert », l’autre est peintre d’histoire
et portraitiste, élève de Rembrandt et signe
ses tableaux « Colaert »[2]. Moes mentionne
de ce dernier le portrait du maire d’Utrecht,
Gerardus van Wassenaer, connu par une gravure[3],
et, en 1972, passait en vente le portrait
signé d’une femme de quatre-vingt-onze ans[4].
Schatborn pense à juste titre que le paysagiste
est l’artiste né vers 1622 à Amsterdam[5] et que
le peintre d’histoire, travaillant dans le style de
Rembrandt, est Johannes Colaert, né à Heusden
vers 1625.
Conservé sous le nom de Johan Cool, le dessin
inédit de Grenoble revient, sans qu’une confusion
soit possible, au paysagiste Johannes
Collaert. Il représente un voyageur assis sur
un cheval au milieu d’un chemin un peu en
contrebas, quelques arbres pittoresques aux
branches noueuses à sa droite. La feuille porte
un monogramme « JC.» qui se retrouve d’une
façon très similaire sur un paysage italianisant,
conservé à l’Alte Pinakothek de Munich
(inv. n°967). Celui-ci nous révèle d’ailleurs la
signature complète du maître. Stylistiquement,
ce paysage ressemble beaucoup au dessin
de Grenoble, notamment dans la manière
de faire les arbres feuillus, contenant quelques
curieuses branches sèches.
Collaert appartient à un groupe d’artistes
comme le jeune Adriaen van de Velde, Willem
et Daniel Schellinks ou encore Jan Wynants. Après leur retour d’Italie, ces artistes réalisent
dans leurs oeuvres une curieuse symbiose
entre leurs souvenirs italiens et les résurgences
du paysage hollandais. On connaît encore de
la main de Collaert une Chasse au cerf dans
une forêt, conservée à l’Ashmolean Museum à
Oxford[6] (Inv. n°A 281). Le cadrage de la composition
est surprenant, avec les cimes des arbres
coupées au premier plan, rappelant cette
fois-ci les oeuvres d’un Dirck Dalens. Toutes
ces réminiscences des peintres amstellodamois
du troisième quart du XVIIe siècle montrent
que notre artiste est marqué par la peinture
de paysage contemporaine. Les anciens catalogues
de vente et inventaires mentionnent
à plusieurs reprises les paysages dessinés de
Johannes Collaert, comme la vente du marquis
de Calvière[7] où se trouvait un dessin de
Collaert dans un lot de « 7 paysages dessinés
ornés de figures & d’animaux ».
James Burke (1976) et Peter Schatborn (2001)
ont réuni plusieurs dessins de Collaert, datant
tous de sa période italienne du milieu des
années 1640, témoignant que l’artiste se distingue
comme l’un des beaux paysagistes
hollandais italianisants. Parmi ces dessins,
trois sont à la pierre noire et au lavis gris et
sont signés, une Vue de la cascade de Tivoli
à Hambourg (datée de 1646), un Paysage
avec des arbres à Karlsruhe et un Village près
d’une rivière à Lübeck[8]. Le musée de Budapest
conserve cinq dessins avec des vues de Tivoli,
qui lui sont attribués, et le cabinet des estampes
de Rome, trois autres. Contrairement à ces
feuilles italiennes, l’oeuvre de Grenoble est la
seule connue de sa période hollandaise. Il est
intéressant de constater la différence de traitement,
due probablement à la qualité particulière
de la lumière dans chacun des deux pays,
l’Italie et les Pays-Bas : la touche devient bien
plus minutieuse et précise, et Collaert abandonne
après son retour les généreuses plages
de lavis pour un traitement plus graphique du
paysage.
[1] Cat. exp. Amsterdam, 2001, p. 139.
[2] Voir Sumowski, I, 1983, p. 460.
[3] Moes, 1905, II, n° 8889.
[4] Vente Londres, Christie’s, 2-3 novembre 1972, n° 254.
[5] Cat. exp. Amsterdam, 2001.
[6] Voir cat. exp. Newcastle upon Tyne, 1983, n° 50, repr.
[7] Paris, 5 mai 1779, sous n° 257.
[8] Cat. exp. Amsterdam, 2001, p. 138-139.
Découvrez également...
-
La Réprimande
vers 1856 -
L'écheveau
avant 1956 -
La Mort de Masaccio
1817