Chemin en forêt avec voyageur

Johannes COLLAERT
XVIIe siècle
Graphite et pierre noire, trait d'encadrement à la pierre noire sur papier vergé beige
18,4 x 15 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Lot 3548, n°1692)

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Depuis les Biografische Aanteekeningen d’Adrianus Dirk de Vries, publiées en 1885 et 1886 dans Oud Holland, nous connaissons deux peintres presque contemporains qui portent le nom de Johannes Collaert/Colaert. Tous les deux sont documentés à Amsterdam dans les années 1640. Un premier artiste, né vers 1622 à Amsterdam, voyage à Rome vers 1646 et se marie dans sa ville natale le 13 février 1647 à une certaine Nelletjen van der Clay. Celui-ci, que l’on peut mettre en rapport avec le peintre d’architecture Emmanuel de Witte, vit encore à Amsterdam en 1678. Un second artiste du même nom, né à Heusden vers 1625, se marie lui aussi à Amsterdam le 2 janvier 1649. Il habite plus tard à Utrecht. Les confusions entre ces deux artistes sont innombrables et le mérite revient à Peter Schatborn d’avoir établi une claire distinction entre les deux et départagé leurs oeuvres[1]. L’un est paysagiste et signe « Collaert », l’autre est peintre d’histoire et portraitiste, élève de Rembrandt et signe ses tableaux « Colaert »[2]. Moes mentionne de ce dernier le portrait du maire d’Utrecht, Gerardus van Wassenaer, connu par une gravure[3], et, en 1972, passait en vente le portrait signé d’une femme de quatre-vingt-onze ans[4]. Schatborn pense à juste titre que le paysagiste est l’artiste né vers 1622 à Amsterdam[5] et que le peintre d’histoire, travaillant dans le style de Rembrandt, est Johannes Colaert, né à Heusden vers 1625.
Conservé sous le nom de Johan Cool, le dessin inédit de Grenoble revient, sans qu’une confusion soit possible, au paysagiste Johannes Collaert. Il représente un voyageur assis sur un cheval au milieu d’un chemin un peu en contrebas, quelques arbres pittoresques aux branches noueuses à sa droite. La feuille porte un monogramme « JC.» qui se retrouve d’une façon très similaire sur un paysage italianisant, conservé à l’Alte Pinakothek de Munich (inv. n°967). Celui-ci nous révèle d’ailleurs la signature complète du maître. Stylistiquement, ce paysage ressemble beaucoup au dessin de Grenoble, notamment dans la manière de faire les arbres feuillus, contenant quelques curieuses branches sèches.
Collaert appartient à un groupe d’artistes comme le jeune Adriaen van de Velde, Willem et Daniel Schellinks ou encore Jan Wynants. Après leur retour d’Italie, ces artistes réalisent dans leurs oeuvres une curieuse symbiose entre leurs souvenirs italiens et les résurgences du paysage hollandais. On connaît encore de la main de Collaert une Chasse au cerf dans une forêt, conservée à l’Ashmolean Museum à Oxford[6] (Inv. n°A 281). Le cadrage de la composition est surprenant, avec les cimes des arbres coupées au premier plan, rappelant cette fois-ci les oeuvres d’un Dirck Dalens. Toutes ces réminiscences des peintres amstellodamois du troisième quart du XVIIe siècle montrent que notre artiste est marqué par la peinture de paysage contemporaine. Les anciens catalogues de vente et inventaires mentionnent à plusieurs reprises les paysages dessinés de Johannes Collaert, comme la vente du marquis de Calvière[7] où se trouvait un dessin de Collaert dans un lot de « 7 paysages dessinés ornés de figures & d’animaux ».
James Burke (1976) et Peter Schatborn (2001) ont réuni plusieurs dessins de Collaert, datant tous de sa période italienne du milieu des années 1640, témoignant que l’artiste se distingue comme l’un des beaux paysagistes hollandais italianisants. Parmi ces dessins, trois sont à la pierre noire et au lavis gris et sont signés, une Vue de la cascade de Tivoli à Hambourg (datée de 1646), un Paysage avec des arbres à Karlsruhe et un Village près d’une rivière à Lübeck[8]. Le musée de Budapest conserve cinq dessins avec des vues de Tivoli, qui lui sont attribués, et le cabinet des estampes de Rome, trois autres. Contrairement à ces feuilles italiennes, l’oeuvre de Grenoble est la seule connue de sa période hollandaise. Il est intéressant de constater la différence de traitement, due probablement à la qualité particulière de la lumière dans chacun des deux pays, l’Italie et les Pays-Bas : la touche devient bien plus minutieuse et précise, et Collaert abandonne après son retour les généreuses plages de lavis pour un traitement plus graphique du paysage.


[1] Cat. exp. Amsterdam, 2001, p. 139.
[2] Voir Sumowski, I, 1983, p. 460.
[3] Moes, 1905, II, n° 8889.
[4] Vente Londres, Christie’s, 2-3 novembre 1972, n° 254.
[5] Cat. exp. Amsterdam, 2001.
[6] Voir cat. exp. Newcastle upon Tyne, 1983, n° 50, repr.
[7] Paris, 5 mai 1779, sous n° 257.
[8] Cat. exp. Amsterdam, 2001, p. 138-139.

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