Le Songe d'une nuit d'été

Marc CHAGALL
1939
116,5 x 89 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Don de l'artiste en 1951
Localisation :
SA34 - Salle 34

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Parmi tous les grands pionniers de l’art moderne, Marc Chagall occupe une place à part. Son œuvre, qualifiée dès les années 10 de « surnaturelle » par Apollinaire, préfigure le surréalisme sans que jamais l’artiste n’ait été associé à ce mouvement… De fait, imprégné de culture populaire russe et nourri de spiritualité juive hassidique, son univers artistique offre une vision très personnelle du monde et de la vie, cela dans un langage plastique d’une totale liberté et d’une intense poésie. Son village natal, Vitebsk, est pour lui une source d’inspiration profonde. Sous son regard plein de tendresse, l’existence quotidienne des petites gens qui l’habitent devient le théâtre fantastique d’une vie transcendée par le sacré et le merveilleux. Au demeurant, le monde du théâtre, qui mêle le réel au rêve, est un domaine dont il se sent particulièrement proche. Ainsi de Shakespeare et de sa pièce Le Songe d’une nuit d’été auquel ce tableau fait référence. L’histoire se situe dans une forêt où sylphes et amoureux se cherchent et se perdent. La reine des fées Titania, ensorcelée, s’éprend d’un tisserand à tête d’âne, Bottom. Ici, la reine est devenue une mariée, toute de blanc vêtue, que serre dans ses bras un homme à tête de bouc. Le couple occupe la partie droite de la composition, la partie gauche laissant se déployer un bel arbre en fleurs, au-dessus duquel vole un ange rouge, alors qu’assis sur l’épaule du « marié » joue un violoniste peint en vert. Ce chef-d'œuvre à la savoureuse naïveté et au coloris vibrant peut se lire, dans l’opposition tranchée des deux personnages, comme la symbolisation du pur et de l’impur, de la chair et de l’esprit. Chagall pourrait ici donner une relecture du péché originel où la femme ne serait plus l’instigatrice de la Faute mais l’otage du désir animal de l’homme. L’arbre de la connaissance coiffé d’un ange tentateur inciterait le couple à franchir le pas alors que le violoniste, rappel de l’harmonie céleste, serait relégué au loin. Par la blancheur virginale de sa toilette, la troublante beauté de son regard perdu dans l’ovale délicat de son visage, la femme apparaît sous le pinceau de l’artiste comme l’image parfaite de l’innocence. Une innocence mise à rude épreuve par toutes les forces contraires qui semblent s’exercer autour d’elle et que Chagall brosse d’une touche dense et animée. Commencée en 1930, cette peinture fut remaniée en 1939 dans sa version définitive, la même année que Les Mariés de la Tour Eiffel (Musée national d’art moderne / Centre Pompidou, Paris) avec laquelle elle partage de nombreuses analogies. À la suite de la dation Chagall en 1988, le Musée national d’art moderne / Centre Pompidou a déposé deux tableaux du maître, dont une seconde version de l’un de ses chefs-d'œuvre de la période russe, _Le Marchand de bestiaux _.

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